JONQUE (Technique et navigation) « L’épopée de la Voile » 3° Partie

27-04-2014 00:00:00

Extrait de "l'épopée de la voile" livre à paraitre de Philippe Guillot ( 1 ° Partie ) ( 2 ° Partie )

Technique et navigation

    La jonque plus de deux fois millénaire est un concentré de technique que l’occident a redécouvert aux cours de ces derniers siècles.

 

    Voiles et Gréements.

Commençons par ce qui est le plus caractéristique ; le plan de voilure. Souvent gréée en goélette à deux ou trois mâts qui ont comme caractéristiques premières de ne pas être alignés sur le pont, mais décalés les uns par rapport aux autres.

Pour la plupart des jonques navigant encore de nos jours comme pour les versions modernes, qui n’excède pas 20 mètres, il n’y a pas de gréements dormants, les mats sont implantés dans la quille et passent par un étambrai au niveau du pont supérieur. Une quête négative assez prononcée et l’absence de compression (pas de haubanage) permettent aux mâts de travailler sur la flexion du bois et donc d’avoir une navigation souple avec une gite réduite. Les accélérations sont moins réactives mais plus longues, plus douces et finalement au moins aussi efficace qu’un « Marconi » à la mode.

Ses espars arborent les premières voiles lattées de l’histoire navale des cinq continents. Elles sont montées, à l’inverse des grands voiliers de l’épopée des grands découvreurs  occidentaux, parallèles à l’axe du bateau et peuvent donc pivoter pour continuer à prendre le vent lorsque le bâtiment vire de bord, système que  nos ancêtres ont adopté au XV° siècle sous le nom de gréement aurique.

Les lattes de bambou qui partagent la voile de la jonque à la manière d’un store vénitien, permettent de réaliser de véritables « prises de ris » pour ajuster la surface de la voile en à la puissance du vent. De plus une laize déchirée n’est plus le signe d’une voile inutile et la jonque peut quand même continuer à avancer.

La deuxième caractéristique fondamentale de la voile  est sa position dite « compensées ».  Elle avance légèrement sur sa partie de fixation vers le bord opposé et. A l’instar d’un gouvernail compensé, ce décalage par rapport à l’axe de rotation, soulage d’une partie des efforts exercés sur les lattes. Ces mêmes lattes sont, chacune d’elles, également pourvues d’un réseau d’écoutes. Fiabilité et maniabilité sont les grandes gagnantes dans la liste des avantages de ce système.

 

La voile compensée permet une manœuvre de virement de bord extrêmement efficace. Les voiles sont toujours en léger décalage vers l’arrière suite à la force exercée par les écoutes. La position inclinée du mât vers l’avant  fait qu’en relâchant les écoutes, la voile bascule naturellement pour retrouver un équilibre naturel et de ce fait présente une surface accrue de la « surface de compensation » aidant de ce fait au virement de bord.

Concernant ces fameuses voiles, Needham explique que…

"L'assemblage nattes-bambou offre un réel avantage : le navire peut encore naviguer proprement même si sa voilure est réduite de moitié, soit par la déchirure, soit par la détérioration du mat ou des matériaux. Une voile occidentale ainsi abîmée n'est plus d'aucune utilité.

De plus, les tringles de bambou maintiennent en permanence les voiles tendues, rendant celles-ci plus efficaces, aérodynamique ment parlant : une voilure trop enflée, qui "fait le sac", crée des turbulences d'air superflues.

Encore aujourd'hui, les voiles des yachts de course ne semblent pas assez raidies et se gonflent parfois démesurément et inutilement.

 

Il est sur que la communauté des champions de voile auraient beaucoup à apprendre des anciennes techniques chinoises". 

    La coque

 

La construction des bateaux en Europe, a puisé son inspiration dans la nage des poissons. De tout temps, nos navires ont cherché à fendre les flots, l’étrave reste l’un des points fondamentaux de notre construction navale. Pour les architectes du lointain Orient, le poisson qui nageait sous l’eau ne pouvait être un exemple pour évoluer sur l’eau et l’animal référent fut le canard. Point d’étrave quand il suffit de survoler la surface. La jonque fut donc conçue suivant la forme de cet oiseau marin. De celui-ci, elle reprend son allongement et son très faible tirant d'eau sur l’avant de la carène, son maître couple sur l’arrière du deuxième et sa grande largeur. 

 

De fait, la jonque  est un gros dériveur à fond plat qui a besoin de plans de dérive pour remonter au vent. Une dérive sabre au tiers avant réglables en profondeur ainsi que le gouvernail central sont les apparaux parfaits pour le rôle.

L’autre inspiration majeure de la nature, vient cette fois du monde végétal. Le bois emblématique de tout l’extrême Orient est le bambou. Ces chaumes, dont les fibres sont d’une extrême résistance et d’une densité telle qu’elles ne peuvent flotter seules, a tout de même la capacité a être utilisé pour faires des radeaux. Son secret réside dans un compartimentage étanche de la tige. Les architectes en ont tiré la technique des coques à compartiments étanches.

Ce cloisonnement sont assurés par une cloison bien ajustée et calfatée qui relie les bordés principales entre elles.

Grace à ces cloisons étanches, la jonque, qui glisse sur l'eau, a inventé un merveilleux système anti tangage. L’étrave, inutile, est souvent absente elle est remplacée par la première cloison, lui donnant un aspect assez inattendu. Ce premier compartiment n'est  étanche qu'à l'air car il possède, dans sa partie inférieure, des ouvertures immergées, parfaitement calibrées par des siècles d’expériences, qui permettent à la mer d'y pénétrer. Lorsque le navire s'enfonce au tangage, l'eau entre et comprime l'air emprisonné à la manière d’un amortisseur à air, le mouvement d’enfoncement est freiné. Quand l'avant ainsi alourdi se relève, il se vide, mais relativement lentement, et sa remontée est, de ce fait, ralentie. Sur certaines jonques, le compartiment arrière qui reçoit le gouvernail, est construit sur le même modèle, augmentant d’autant l’efficacité du système.

 

La navigation

    Le gouvernail

 

        Le gouvernail est central depuis le 1° siècle après J.C., il est original pour trois caractéristiques importantes. D’abord, pour participer pleinement à sa fonction antidérive, il est réglable en profondeur (ne pas oublier que  la coque est dépourvue de quille), ensuite il est parfois compensé et enfin, de façon tout à fait étrange, il est percé de fenêtres en formes de losange qui sont destinées à réduire la force à exercer pour l’actionner sans toutefois en diminuer l’efficacité. Les dimensions de ces trous sont fixées par des siècles d’expériences. 

 

La boussole

Le magnétisme terrestre était connu en chine depuis plus d’un demi-millénaire avant notre ère. La boussole équipait les jonques depuis le deuxième siècle avant J.C. après avoir longtemps servi aux architectes pour l’implantation des habitations qui obéissait à un rituel religieux très précis. Pour éviter la confusion entre une boussole de navigation et une boussole, beaucoup plus précieuse, destinée à l’orientation des maisons, celle pour les bateaux étaient faite d’un aimant en forme de poisson collé sur un bois flottant dans un vase, lui aussi en bois, contenant de l’eau

 

 

 

La girouette

« La girouette est un autre élément qui à sa place à bord de la jonque. Sa fonction est essentiellement magique. Une girouette en forme de poisson est signe d'harmonie puisqu'il se trouve dans son élément.La girouette peut servir à éloigner les koueï (Gui) (2) , dans ce cas son pennant est peint en rouge. Toujours dans une optique de prévention anti-koueï, il est possible d'acquérir une girouette en forme d'épée ou de miroir.Dans ce dernier cas, les koueï s'enfuiront pris de terreur par leur propre reflet. » Théorie donné par « Arts Classiques du Tao » http://www.tao-yin.com/index.html

La voile de jonque continue de faire des adeptes. Arne Kverneland, dans un PDF très intéressant (http://www.voiles-aventures.com/shop/details/817/le-greement-de-jonque-pour-les-débutants) nous donne quelques informations dont je vous transcris les plus symptomatiques.

« Pourquoi une voile de jonque ?

Je voulais naviguer aux allures portantes avec une meilleure vitesse et moins de soucis.

Je voulais un gréement auto-vireur. Et je l'ai eu à coup sûr. Les winchs de génois ont été très vite démontés ...

Je voulais me débarrasser des sacs de voiles qui mangeaient de la place à l'intérieur. Oh oui, 3 focs et un spinnaker

J'avais entendu parler de la facilité de prise de ris et d'affalage. Çà marche ! Maintenant je vais très rarement sur le pont après avoir quitté le port.

La zone aveugle derrière le génois m'avait donné de vraies peurs. Un double oui ! Avec le GJ il y a soudain une vue libre sur tout l'horizon. »

 

 

 

 

Extrait de "l'épopée de la voile" livre à paraître de Philippe Guillot (1° partie) (2° partie)

 

Bibliographie

Beaujard Ph., 2007, « L’Afrique de l’Est, les Comores et Madagascar dans le système-monde avant le XVIe siècle », in D. Nativel et F.V. Rajaonah (dir.), Madagascar et l’Afrique, Paris, Karthala, pp. 29-102.

La science chinoise et l'Occident par Joseph Needham Editions du Seuil - Point Sciences

Sail and sweep in China . G.R.G. Worcester. London

 

 

Excellent site : L’association voiles de Jonques

http://voilesdejonques.free.fr/

 

Maquette : http://www.oupsmodel.com/maquettes/maquettes-bateaux/voiliers/trumpeter/trumpeter-maquette-bateau-01202-jonque-chinoise-chengbo-p-13836.html

 Photo plan de jonque : http://15marins.blogspot.fr/2010/12/plan-dune-jonque.html



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